
Dehors, 2°C et 10 cm de neige. Même nos pinces à linge ont posé un RTT. Mais dedans, tout l'inverse : poufs moelleux, lumière chaude, banquettes colorées et une chaleur automnale qui donne envie de dire bonjour à tout le monde. À l'intérieur du bar feutré de l’hôtel Le Saint-Gervais, écrin du Pros & Co #3, 60 professionnels se sont retrouvés pour parler GR TMB, avec à la clé un échange qualitatif et des idées pétillantes.
L'ambiance ? Animée. Gilles Durand, président du Rucher École de Passy, venu « par curiosité » s'est retrouvé pris de court par la présentation personnalisée d'Élise Fayard. Il se demandait encore quel lien pouvait bien exister entre le GR et son métier. On sourit. Avec une ruche dans l’histoire, le lien s’impose presque tout seul.

Comment était notre table ronde ? Rectangulaire ! Mais avec 60 pros dans la salle, serrés mais ravis, tout s’est mis à tourner rond : les regards, les échanges, l'énergie.
Parmi eux, des hébergeurs passionnés (Gai Soleil, Nant Rouge, La Féline Blanche, Cœur des Neiges, Refuge du Nant Borrant, Balme, Camping du Pontet, Aiguille du Midi, Gîte Fagot), des transporteurs (Taxi Josiane et l'équipe de Taxi Mont-Blanc venus en force), des guides et accompagnateurs (Compagnies des Guides de Saint-Gervais et de Chamonix), l'UTMB, une agence de voyage (Coucou Watse), des collectivités et organismes du territoire (CCPMB, CREA Mont-Blanc), une escadrille d’AMM prête à butiner les idées, sans oublier la joyeuse équipe Pros & Co.
Pour les quatre co-organisateurs – Justine Bruneau, Élise Fayard, Alex Bruneau et moi-même – le thème s'était imposé durant l'été avec un objectif : insuffler une dose de pétillant Pros & Co à un GR TMB déjà très effervescent. Cette diversité d'acteurs présents a donc permis d’aborder le sujet sous tous les angles ou presque (la liste complète des participants est disponible en fin d’article).
Alex Bruneau, deux TMB dans les jambes cet été, ouvre le pot de miel. Chacun vide ce qu’il a dans le haut de son sac.
Guillaume Mollard, l'alpagiste émerveillé. Installé au Truc, il rappelle sa chance quotidienne d'être acteur d'un itinéraire mythique malgré les contraintes liées aux déchets, à l’eau et à l'énorme pression de prédation.

Manon Whittaker, l'experte RSE de l'UTMB. Un an et déjà un Everest : usages, impacts, comportements…Accompagnatrice en montagne, experte du territoire (ex-CNM) et traileuse : elle maîtrise les enjeux et le terrain.

Julien Jean, gardien au calme olympien. Représentant des refuges et gîtes sur l'itinéraire, fédérés en association dès 2011, chemise à carreau impeccable et lunettes sérieuses, l'homme de Tré le Champs rappelle d'emblée que la communication n'est plus une option : c’est LE sujet.

La ruche GR TMB continue de grandir. Chaque année plus de monde, mais surtout des données plus fines. L'association des Amis de l'UTMB, via sa commission Environnement créée dès 2006, comptabilise depuis juin 2025 tous les passages. 18 compteurs ont été installés (à lire ici) comme le précisent Michel Poletti et Gautier Drouin. Les chiffres :
Papiers abandonnés ou « pipi-caca » des bivouaqueurs : la question de la propreté en altitude a marqué l’été 2025.
On pensait patous. Guillaume nous annonce la relève : place aux kangals. Plus grands, plus vifs, plus dangereux : ces chiens tueurs de loup reconnaissables à leur collier de fer bardé de pointes, intègrent désormais les troupeaux les plus exposés, surtout en septembre, quand la pression de prédation explose.
« Il y a 200 loups en Haute-Savoie, dont 47 rien qu’au Pays du Mont-Blanc. La pression est énorme ! Les chiens sont sollicités toute la saison, parfois chaque nuit et doivent en plus composer avec les traileurs et VTTistes », explique-t-il. Et demain ? Guillaume reste calme : « Il faudra s’adapter collectivement et, peut-être, faire évoluer certaines portions du GR selon les périodes, pour éviter les troupeaux ».
Le service est en place, bien rodé. Alexandre Vial (Le Nant Rouge) est catégorique : « On ne reviendra pas en arrière sur le transport des bagages ». Idem pour Bernd Rosenthal (Relais de l'Arpette) dont la clientèle arrive à plus de 80 % avec des bagages transportés en voiture. Valérie Krommenacker (Gai Soleil) le dit aussi simplement : sans ce service, elle n’aurait jamais pu faire son TMB.
Nicolas Cartier (Compagnie des Guides de Saint-Gervais) alerte « Nous les compagnies locales sommes en train de mourir face aux tours-opérateurs. On est plus chers, oui. Mais avec un produit plus qualitatif que les gens ne voient pas toujours. Ils cherchent les prix et les TO rivés sur le TMB raflent tout » constate d'une voix lourde l'accompagnateur.
Le nerf de la guerre. « C'est le sujet central sur lequel il faut travailler. On doit fédérer les acteurs et faire passer un message commun » martèle Julien Jean qui mène depuis un an et demi une réflexion collective doublée d’actions concrètes au sein de son association, jusqu’à recruter une personne en renfort sur la communication. Les randonneurs ont changé, les codes aussi et les usages avec. « On fait l'effort mais on ne peut pas être seuls. Il nous faut de l'aide » poursuit le gardien de l'Auberge de la Boerne. Reste une question : est-ce vraiment aux hébergeurs d’assumer cette mission aussi large ?
Impossible de couvrir le GR TMB en 1h30. Même Kiki n'y arrive pas ! Alors forcément, certains sujets ont été abordés… et d’autres sont restés au bord du chemin.
Les traileurs de nuit. Patricia (Refuge du Nant Borrant) observe une hausse des passages nocturnes : « Je vois de plus en plus de traileurs la nuit avec des frontales toujours plus puissantes », explique la gardienne idéalement placée sur la voie romaine.


Patricia Mollard, Gauthier Drouin
Gauthier Drouin, rapport épais en main, nuance : « On a compté pour la période du 10 juin au 30 septembre hors course sportive, une centaine de personnes qui sont passées entre minuit et 5 h du matin, sur toute la saison ». Les traileurs sont nombreux mais finalement assez rares la nuit.
La pratique du bivouac. Non abordée mais omniprésente en filigrane. La pratique a explosé, amplifiée par les réseaux sociaux. Mais les dérives observées aux Chéserys ou à Pormenaz ont entraîné de nouvelles interdictions. Sujet sensible, tension à fleur de peau, réglementations locales spécifiques mais souvent hétérogènes : le bivouac demeure l'une des problématiques les plus vives du GR.
Quand les sujets dépassent un refuge, une pratique ou une vallée, une question revient : qui coordonne tout ça ? Qui pour épauler les pros ?
La communauté de communes du Pays du Mont-Blanc agit. Charlotte Marx l’a rappelé en évoquant les campagnes de communication qui ciblent les pratiquants sportifs ou encore travail de formation des médiateurs qui interviennent directement sur les sentiers : tout est là, à disposition (sur Linkedin ou dans l'espace presse). Reste que proposer une réponse véritablement collective à un sujet aussi transversal demeure complexe quand on ne couvre qu’une infime portion du GR.
Quid de l’Espace Mont-Blanc ? Créée en 1991 pour coordonner ces questions à l’échelle transfrontalière (Valais, Vallée d’Aoste, communautés de communes du Pays du Mont-Blanc et de Chamonix), l'organisme demeure précieux… mais fragile. Alternances politiques, renouvellements d’élus, priorités qui changent : l’ensemble donne l’impression d’une belle endormie. Et pourtant, détail savoureux, la table est vraiment ronde là-bas (voir l'image à la une ici 😄).
Du 1er juin au 30 septembre environ, la ruche du GR TMB bourdonne à pleine intensité. Des pros passionnés, une énergie rare et une richesse collective indéniable. Mais sans reine ni label commun... pour combien de temps encore ce nectar pourra-t-il se distinguer ?









L'heure tourne. Alex distribue à chaque groupe une baguette magique, histoire de faire sortir quelques idées pétillantes. Les voici.
Au chaud dans l'écrin du Marie Paradis, le groupe a produit vendredi 21 novembre un miel doux et collectif, avec une belle longueur en bouche. Apprécié de tous, mais pas exempt de critiques, le GR TMB, né en 1951, manque peut-être d’une reine et d'un label commun pour assurer son avenir. Du GR TMB... à l'AOP GR TMB, il n'y a que trois lettres, mais un sacré chemin.
« C’était un très bon moment de partage et d'échanges libres, quasiment entre potes », glisse Julien Jean, plus habitué au formalisme des rencontres institutionnelles qu’au tempo Prosecco. Même son de cloche pour Alex : « Tout l’été on se croise, mais on n’en parle pas vraiment. Pas comme ça, pas ensemble, pas en vrai. »
Le mot de la fin ? Celui du début, signé Guillaume : « Quand tout est lié, ça donne du sens ». L'agriculteur qui transforme sur l’alpage, vend à l’auberge voisine et accueille, chaque soir de l'été, une dizaine de randonneurs à l'heure de la traite pour raconter l'origine des produits, les liens et les enjeux. Il l’a rappelé avec conviction. Tout cela compte. Pas de bons produits sans un bon sens paysan, n'est-ce pas ?
Faut-il renouveler cette bulle dédiée au GR TMB ? Aux professionnels de nous dire si l'extraction annuelle est fructueuse. Dans ce cas promis, l'apiculteur Gilles Durand, invité numéro un, aura le micro.
Tim
PS : Pros & Co, à lire Prosecco, continue d’élaborer sa recette : 100 % pros, 100 % pétillante. 40 pros en septembre, 45 en novembre, 60 vendredi midi ; le bourdonnement Pros & Co résonne. Prochain butinage : un Déj'Pro le 12 décembre. Inscription ici
Un grand merci à Christophe Mourard et Justine Coniglio pour leur accueil chaleureux au Saint Gervais Hôtel & Spa****. Merci également à tous les professionnels présents ce vendredi 21 novembre 2025, qui ont contribué à la richesse des échanges.
À bientôt de la part des Pros & Co !
